L'épopée du "Gorgeous Betty"
une rencontre exceptionnelle avec un pilote vétéran
Nous sommes en fin de l’année 1944, les unités américaines de la 12ème US Army Air Force sont stationnées à Dijon-Longvic, après avoir fait campagne en Afrique du Nord, puis en Italie. Au matin du 23 décembre, un groupe de bombardiers du 17ème Bombardment Group quitte sa base de Dijon-Longvic, avec pour mission la destruction d’un dépôt de munitions à Sieglbach, en Allemagne.
Parvenu sans encombre au-dessus de sa cible, le box de bombardiers B26 Marauder fait sauter les installations ennemies. Cependant, le danger arrive peu de temps après, alors que les bombardiers font route vers la France, le groupe est pris en chasse par l’aviation allemande. Malheureusement, ils ne rentreront pas tous. Les chasseurs allemands assaillent les bombardiers, en essayant de les disperser, afin de mieux les anéantir. De son poste de photographe de combat, sur le côté droit de l’avion baptisé “Gorgeous Betty”, le sergent Van Dusen voit descendre en flamme un avion voisin dans la formation, entrainant dans sa chute mortelle quelques-uns de ses meilleurs amis.
Afin d’échapper à l’ennemi, la formation s’éparpille et se disperse. Pris en chasse au dessus du sol français, le “Gorgeous Betty” se trouve à son tour isolé, jusqu’au moment où le chasseur allemand abandonne sa proie à court de carburant et fait demi-tour. L’équipage américain s’est écarté de son cap, il est maintenant à son tour également à court de carburant et, dans la confusion, s’est perdu. En réalité il se trouve non loin de Vincelles. Le pilote cherche une zone pour faire un atterrissage d’urgence. Apercevant au sol une piste, il engage alors la descente et pose l’appareil pratiquement sans moteurs dans la plaine. L’équipage est sain et sauf, et l’avion sans dommage; ils se sont posés sur la piste de l’usine de Palotte, entre Vincelles et Cravant !
Le pilote et ses cinq hommes d’équipage sont accueillis par la population. À leur agréable surprise, ils ont rapidement affaire à un comité d’accueil des plus dévoués. Pendant une dizaine de jours, l’équipage est hébergé par Pierre et Hélène Vaillant, propriétaires des Tilleuls à Vincelottes, et y passera le réveillon de Noël. Plusieurs jours après leur atterrissage, ils sont rapatriés sur Dijon en camion.
A Cravant, sur la piste, une garde permanente du B26 est assurée par les Français du détachement de l’Air.
Pour ramener le bombardier sur sa base, un pilote chevronné, Philip Eschbach, se porte volontaire. En effet, faire décoller le B26 de la piste de Cravant est un pari audacieux, en raison des conditions difficiles; un manteau de neige conséquent et une longueur de piste limitée.
Le 4 janvier 1945, Philip Eschbach part par la route accompagné de deux sergents afin d’évaluer la situation. Après un passage par l’aérodrome d’Auxerre-Moneteau pour effectuer un approvisionnement en carburant du véhicule, il est de retour dès le lendemain à Dijon. Le 8 janvier, Philip repart, cette fois-ci accompagné d’un co-pilote et de quatre mécaniciens. Il va falloir plusieurs jours à cette équipe pour alléger le bombardier au maximum et le remettre sur la piste en dur.
Philip et son co-pilote logent également aux Tilleuls. Mais l’hiver est rigoureux et la neige très abondante, aussi la date de départ doit être repoussée.
Philip se lie d’amitié avec les propriétaires Pierre et Hélène Vaillant, et fait la connaissance de M et Mme Bréant, venus spécialement de Paris, pour démarrer le tout jeune Atelier de l’Air de Cravant. Il a le privilège de pouvoir les accompagner et découvre comment des Français libérés depuis peu s’ingénient à donner vie à un nouvel avion français, à partir d’éléments de chasseurs allemands FW190.
Le Gorgeous-Betty posé sur la piste de Cravant
Dessin Yves GUILMIN
Après quelques jours d’efforts, malgré la rigueur du froid et la piste qui demeure enneigée, Philip réussit à faire décoller le “Gorgeous Betty” avec, seul à son bord, le co-pilote qui l’accompagne. Il prit son envol après avoir touché la cime des peupliers, et le ramena à sa base de Dijon-Longvic.
Pour la petite histoire, Philip a gagné le pari fait par ses camarades, à savoir réussir à faire décoller ce bombardier.
Mécaniciens et copilote ayant accompagné Philip
Équipage ayant posé l’avion
de gauche à droite : Paul COSTA, Franck CROOKS (turrel gunner), W.H VAN-DUSEN (war Photographer), Louis HARRY
Philip ESCHBACH 2eme à gauche
base de Dijon-Longvic
1st Lieutenant
Philip ESCHBACH
Philip ESCHBACH à gauche
et son copilote
Rare photo du Gorgeous-Betty avec Philip ESCHBACH
(debout à droite)