Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre
Le 14 avril 1945 la « Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre » (SNCAC*) succède à « l’Atelier de l’Air »
La S.N.C.A.C
Le 14 avril 1945 la « Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre » (SNCAC) succède à « l’Atelier de l’Air ». Le recrutement des ouvriers spécialisés en région parisienne et au sein de la main d’œuvre locale permet d’augmenter l’effectif de l’usine à près de 800 employés, dont les deux tiers sont affectés à la production et l’autre tiers aux services administratifs.
Par soucis de rentabilité, on a créé une « école de formation accélérée » qui transforme le personnel recruté dans la région en spécialistes riveteurs ou ajusteurs.
En quelques mois, Palotte est devenue une véritable cité de troglodytes avec toutes les commodités modernes : une cantine pouvant servir 1400 repas journaliers, une infirmerie et même un cabinet dentaire, ce qui est exceptionnel pour l’époque.
La SNCAC, Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre naît début 1937 de la fusion des entreprises Hanriot (usine de Bourges ) et Farman (usines de Fourchambault et de Billancourt ) suite aux nationalisations du Front Populaire. Elle compte 9 500 employés.
Les avions construits par la SNCAC prennent l’appellation maison de « NC ». Faute de dynamisme propre, l’Etat lui confie le montage des Curtis H 75 que la France achète aux Etats-Unis puis la société travaille en sous-traitance pour Morane-Saulnier (montage de MS 406 ) et pour la SNCASO ( montage du Breguet 693 ).
Après la défaite, ses usines se trouvant en zone occupée, la SNCAC va assembler les Siebel 204 pour l’occupant, dans des usines détruites à 30 %. Cette production de Siebel 204 rebaptisé NC 700 se poursuivra après la Libération.
En avril 1945, la SNCAC prend en compte l’assemblage des FW 190 à Cravant.
L’appareil prendra alors l’appellation NC 900.
La chaine d'assemblage
Avec la prise en compte de l’usine par la SNCAC, le « Fw 190 français » est rebaptisé NC 900. La chaîne d’assemblage compte 15 postes répartis dans les différentes galeries et correspondant chacun à une opération bien précise. Les cadences de sortie restent cependant relativement lentes. Il faut entre-autres détecter les sabotages effectués pendant la période d’occupation et remettre en état les pièces défectueuses, ce qui demande du temps. Dès qu’un NC 900 est terminé, le chef-pilote Lepreux procède aux essais en vol à Auxerre-Monéteau où les appareils commencent à s’entasser sur le terrain.
Le 11 mai 1945, le NC 900 est enfin certifié « apte au service » par le CEV, soit deux mois après son premier vol à Auxerre et… 3 jours après la fin de la guerre en Europe !
Le Ministère de l’Air décide alors d’affecter le NC 900 au célèbre Groupe de Chasse III/5 « Normandie-Niémen ». Celui-ci connaît bien le Fw 190 pour l’avoir combattu sur le front russe et pendant la campagne d’Allemagne. En Octobre 1945, le Groupe reçoit deux NC 900 en « évaluation opérationnelle ». Ils doivent remplacer à terme les Yak 3 soviétiques qui commencent à souffrir du manque de pièces de rechanges.
A Cravant, la production continue. L’usine de Palotte sort encore 11 appareils en Novembre 1945, un peu moins le mois suivant.
En Janvier 1946, une trentaine de NC 900 destinés au « Normandie-Niémen » sont prêts à voler. Mais la production s’arrête, faute de crédit, et l’usine de Palotte ferme ses portes le lundi 18 février 1946.
En un an, 70 appareils auront été assemblés à Cravant.
La fermeture de l'usine de Palotte
Le 20 février 1946 le journal local annonce la fermeture de l’usine, cet article contient un reportage complet, que vous pouvez lire ci-dessous :
Mercredi 20 février 1946
UNE CITE MODERNE DE TROGLODYTES
Un reportage de l’Yonne Républicaine
Une visite à l’usine souterraine de constructions aéronautiques de Cravant qui vient de fermer ses portes à la suite de la compression des crédits d’armement.
A une vingtaine de kilomètres au sud d’Auxerre, sur la rive droite de l’Yonne entre Cravant et Vincelottes, la petite route en mauvais état passe le long de la côte de Palotte au vin si renommé, côtoie plusieurs bâtiments neufs ou incendiés et, à peu près à l’endroit où elle est le plus en surplomb de la plaine bordant la rivière et la route nationale d’Auxerre à Avallon s’élargit en un triple carrefour pour permettre l’accès aux énormes ouvertures béant sur les galeries des anciennes carrières de pierre de taille. Nous sommes ainsi parvenus aux constructions aéronautiques, celles à coup sûr le mieux protégées de la France (et les Allemands le savaient bien) puisqu’à une cinquantaine de mètres de la route, la protection de la voûte est au moins d’une centaine de mètres de pierre dure comme du béton.
Les galeries qui s’entrecroisent et qui conduisent à trois grottes principales ont un développement de 35000 m² et seraient de nature à permettre la marche d’une entreprise ayant une activité double de celle qu’avait pu lui donner la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Centre qui l’exploite actuellement. Plus exactement qui l’exploitait, car depuis lundi la S.N.C.A.C. a dû fermer les portes, les crédits qui lui étaient alloués ayant été totalement supprimés par suite de la réduction des chiffres du budget de la guerre.
C’est dans le but d’exposer à l’opinion publique les conséquences de la décision qui la frappe et qui frappe avec elle ses 700 ouvriers que la direction de l’usine avait convoqué samedi après-midi les membres du bureau du Comité Départemental de la Renaissance Française ainsi que les représentants de l’Yonne Républicaine.
Demouchy, président du Comité Départemental de la Renaissance Française, M. Pourin, vice-président et Mme. Valtat vice-présidente furent reçus par MM. Bossu, directeur de l’usine et Maugirard directeur du département technique.
De 1939 à la Libération
On procéda tout d’abord à un résumé rétrospectif de la marche de l’usine et des vicissitudes qu’elle rencontra au long des six dernières années. C’est en 1939 que les établissements Lioré-Olivier prirent l’initiative d’utiliser pour leur fabrication de guerre les gigantesques carrières souterraines de Palotte qui un an plus tard tombèrent au pouvoir de l’ennemi.
Les Allemands commencèrent par déménager à pleines péniches l’important matériel qu’ils y découvrirent, mais quelque temps plus tard, en raison de l’accroissement du péril aérien, ils reprenaient l’usine à leur compte et y travaillaient d’arrache-pied pendant plus de quatre ans.
A l’heure de la libération, ils minaient les murailles et les voûtes, incendiaient tout ce qui était inflammable et se retiraient avec tout l’outillage en pensant bien que les galeries disparaîtraient dans un écroulement général. Heureusement, les murailles et les voûtes résistèrent aux charges de dynamite cependant que la raréfaction de l’air dans les galeries étouffait bientôt l’incendie. Le coup était manqué.
Après la Libération
Dès leur départ, M.Tillon, ministre de l’Air, prit la décision de remettre l’usine en route de façon à doter l’aviation française de «Focke-Wulf », appareil de chasse allemand d’une certaine valeur, capables de faire du 700 en croisière et du 830 en piqué, piloté par un seul aviateur et doté de six armes automatiques. Il s’agissait, bien entendu de fabriquer du neuf en se servant uniquement de matériaux de récupération provenant des stocks abandonnés par les Allemands en divers lieux ou trouvés dans les « cimetières » d’avions accidentés.
C’est ainsi que la S.N.C.A.C. entra en scène, dès le 13 novembre 1944, avec 78 ouvriers et pratiquement aucun outillage. Il ne restait plus une clé, plus un tournevis, les Allemands ayant tout emporté.
Une partie des ouvriers spécialistes de la région parisienne vinrent avec leur propre outillage, la direction de l’usine se débrouilla avec le concours de l’Etat et des usines similaires, se procura les moteurs et l’armement indispensables et bientôt un travail constructif pût être engagé.
Un bilan
Le 31 décembre 1944, le premier appareil entièrement fabriqué à Cravant était acheminé sur l’aérodrome d’Auxerre, essayé avec succès et envoyé au combat. Le recrutement de spécialistes parisiens et d’ouvriers régionaux permit d’élever le chiffre du personnel de 78 à près de 800 unités pour retomber par la suite à un peu moins de 700 (dont les deux tiers classés en ouvriers de production, le tiers restant en employés des différents services administratifs), cependant que la fabrication s’élevait chaque mois pour atteindre 11 appareils en novembre 1945 et redescendre en décembre et en janvier 1946, par suite de la fréquence des pannes d’électricité.
Ainsi, en un an, l’usine de Cravant, avec du matériel uniquement de récupération a pu sortir 70 appareils de quatre types différents (sur les 74 prototypes de la série allemande de Focke-Wulf) et elle pourrait en sortir 55 autres, actuellement en cours de montage, puis, par la suite une nouvelle centaine encore en utilisant à fond tous les matériaux qui sont emmagasinés dans les galeries et dans les ateliers.
L’on sait déjà qu’au fur et à mesure de leur sortie de l’usine, les appareils sont dirigés sur l’aérodrome de la Ferme des Iles à Auxerre, essayés par le chef pilote Lepreux et après réception par les services de l’Armée de l’Air, envoyés sur leurs bases d’affectation.
Pour répondre à certaines critiques formulées par les visiteurs de la Ferme des Iles, précisons que les hangars du terrain d’aviation ne permettent pas de loger les appareils livrés par l’usine et c’est pour cette raison qu’ils doivent rester sur le terrain. Une équipe spéciale s’occupe de leur entretien jusqu’au moment de leur réception par l’Armée.
Et maintenant ?
Et maintenant voici l’usine de Cravant frappée en plein essor par la décision du ministre de la Défense Nationale. Ce n’est pas le seul établissement visé par cette mesure ; 84 autres usines similaires se trouvent dans le même cas.
Que vont devenir vos ouvriers ? ont demandé à MM. Bossu et Maugirard, les membres du Comité Départemental de la Renaissance Française.
La majeure partie des spécialistes pourra, si elle le désire, être réemployée immédiatement dans l’industrie privée aux établissement Peugeot à Sochaux par exemple où l’on a actuellement grand besoin de ce genre de main d’œuvre.
Et l’usine ?
Nous allons nous efforcer de lui trouver des contrats civils. Des pourparlers sont engagés. Si nous pouvions aboutir, la S.N.C.A.C. pourrait maintenir sur place les deux tiers de son personnel. Il s’agirait de fabrication tôlée. Il est absolument nécessaire d’assurer à l’usine un minimum d’activité car il serait beaucoup plus difficile de la remettre en route après l’avoir totalement abandonnée, au cas où la situation internationale exigerait la reprise de toutes les usines de fabrication militaire aéronautique.
Il ne faut pas oublier que l’usine de Cravant est à l’épreuve de tous les bombardements et qu’avec un minimum de travaux, elle pourrait être également à l’abri des effets de la bombe atomique. D’autre part une réorganisation de la distribution des ateliers et de l’utilisation des chaînes permettrait à l’usine de sortir le double ou le triple d’appareils ou réparés.
Et MM. Bossu et Maugirard de conduire leurs visiteurs à travers les galeries et les grottes pour leur donner un aperçu du travail accompli à l’usine : stockage des matériaux récupérés, dérivetage, stockage après nettoyage et réparation des pièces détachées, modification de certaines d’entre elles ou de l’outillage de bord puis remontage d’avions neufs sur une chaîne comptant 15 postes et qui fait assister à cette transformation graduelle de pièces hétéroclites en « zincs » flambant neufs, outillés et armés, prêts à prendre l’air de nouveau.
Et ce sont les ouvriers affairés dans leurs différents ateliers ou dans les bureaux créés un peu partout ou encore travaillant dans la section dite «école de formation accélérée » qui, par promotions d’une quarantaine d’élèves en deux mois maximum transformait le personnel recruté dans la région en spécialistes riveteurs ou ajusteurs.
Et les installations annexes ne manquèrent pas non plus d’intéresser les visiteurs : salle de compression de l’air à 8 kg avec envoi par canalisations dans les différentes galeries pour les travaux de rivetage, de perçage et de peinture au pistolet, poste de secours et de prothèse dentaire, comme il n’existe pas dans beaucoup d’usines, cantine où étaient servis 1400 repas journaliers, garage dont les véhicules permettaient d’aller chercher et de reconduire à leur domicile le personnel logeant dans des localités aussi distantes qu’Auxerre ou Arcy-sur-Cure etc.… Et puis dans les champs bordant la route nationale la piste d’envol comptant déjà 1200 mètres sur 40 et que l’on espérait bien porter à 2000 mètres sur 200.
Certes, certains problèmes restaient à l’étude avec espoir de solution très prochaine : aération, ventilation, installation de lumière artificielle. Mais telle qu’elle était installée, l’usine de Cravant avait sa raison d’être et, à notre tour, nous formulons le vœu qu’une décision prochaine soit prise pour que la fabrication prévue puisse y remplacer, à titre définitif nous l’espérons bien, la fabrication militaire qui vient brusquement de lui manquer.
Et MM. Bossu et Maugirard de conduire leurs visiteurs à travers les galeries et les grottes pour leur donner un aperçu du travail accompli à l’usine : stockage des matériaux récupérés, dérivetage, stockage après nettoyage et réparation des pièces détachées, modification de certaines d’entre elles ou de l’outillage de bord puis remontage d’avions neufs sur une chaîne comptant 15 postes et qui fait assister à cette transformation graduelle de pièces hétéroclites en « zincs » flambant neufs, outillés et armés, prêts à prendre l’air de nouveau.
Et ce sont les ouvriers affairés dans leurs différents ateliers ou dans les bureaux créés un peu partout ou encore travaillant dans la section dite «école de formation accélérée » qui, par promotions d’une quarantaine d’élèves en deux mois maximum transformait le personnel recruté dans la région en spécialistes riveteurs ou ajusteurs.
Et les installations annexes ne manquèrent pas non plus d’intéresser les visiteurs : salle de compression de l’air à 8 kg avec envoi par canalisations dans les différentes galeries pour les travaux de rivetage, de perçage et de peinture au pistolet, poste de secours et de prothèse dentaire, comme il n’existe pas dans beaucoup d’usines, cantine où étaient servis 1400 repas journaliers, garage dont les véhicules permettaient d’aller chercher et de reconduire à leur domicile le personnel logeant dans des localités aussi distantes qu’Auxerre ou Arcy-sur-Cure etc.… Et puis dans les champs bordant la route nationale la piste d’envol comptant déjà 1200 mètres sur 40 et que l’on espérait bien porter à 2000 mètres sur 200.
Certes, certains problèmes restaient à l’étude avec espoir de solution très prochaine : aération, ventilation, installation de lumière artificielle. Mais telle qu’elle était installée, l’usine de Cravant avait sa raison d’être et, à notre tour, nous formulons le vœu qu’une décision prochaine soit prise pour que la fabrication prévue puisse y remplacer, à titre définitif nous l’espérons bien, la fabrication militaire qui vient brusquement de lui manquer.
Henri Houdot.
Journal « L ‘Yonne Républicaine » conservé par la bibliothèque municipale d’Auxerre